Né de parents mexicano-américains, tromboniste virtuose et joueur de coquillage (conque), favori des lecteurs et des critiques dans JazzTimes, Downbeat et Jazziz, le californien Steve Turre est également connu en tant que compositeur, arrangeur, chef d’orchestre et professeur et est membre du Saturday Night Live Band depuis trois décennies. Son talent s’exprime aux frontières du jazz, du swing, du latin jazz et du R&B funk.
Au cours de son enfance dans la baie de San Francisco, il se nourrit de mariachi, de blues et de jazz. Pendant ses études à l’université d’Etat de Sacramento, il rejoint le groupe de salsa Escovedo Brothers. Il commence sa carrière de musicien de jazz en 1966 aux côtés de Rahsaan Roland Kirk dans le fameux club The Jazz Workshop à San Francisco où il a “été fortement influencé par la force vitale et la rythmique de ces musiciens”. Il collabore avec les jazzmen les plus progressistes : Archie Shepp, Pharaoh Sanders, McCoy Tyner, Cedar Walton, Dexter Gordon, Dizzy Gillespie, Lester Bowie et Woody Shaw. Toujours en quête de nouveaux défis, il joue aussi avec B.B. King, Lou Rawls ou Gladys Knight et de grands noms du rock tels que Van Morrison, Santana et les Eurythmics. Fidèle à ses racines, il revient régulièrement au Latin Jazz aux côtés de Tito Puente, Mongo Santamaria, Celia Cruz, Manny O’Quendo, Oscar Deleon. La notoriété lui échoit en 1972, lors de sa tournée mondiale aux côtés de la légende du Rhythm & Blues : Ray Charles.
Entre son remarquable premier album Viewpoint (1987) et son récent Generations (Smoke Sessions Recordings 2022) une vingtaine d’albums voient le jour. L’ensemble de son travail est récompensé par un prestigieux Jazz Journalist Award.
Bien que considéré comme l’un des plus éminents musiciens de sa génération, Turre reste humble et sa pratique évoque celle d’un maître artisan. « J’ai toujours pensé que la musique était un don », déclare-t-il, en expliquant sa philosophie de la musique en général. « Votre force vitale traverse votre instrument pour créer une vibration apaisante. En ce sens, le rôle du musicien ressemble à celui du médecin : plus il donnera de lui-même, meilleurs seront les effets sur le public. La musique joue un rôle primordial dans chaque culture. Le jazz puise son inspiration à des sources très variées. Pour moi, c’est la première musique du monde”.
Joueur de conque
C’est lors d’une escale familiale à Mexico que lui sera révélé son lien avec la culture aztèque et en particulier la pratique du coquillage, joué par ces ancêtres. Bien que déjà initié par Rahsann Roland Kirk, cette prise de conscience déchaîne sa passion et donne naissance au groupe “Shell Choir” ou Sanctified Shells.
Tandis que son catalogue s’enrichit d’œuvres conceptuelles uniques, Steve Turre poursuit son chemin. Sa musique, imprégnée des fondamentaux du blues, du swing, du rythme et de la vibration empathique, résonne dans un grand Tout. « J’ai appris beaucoup des musiciens avec lesquels j’ai travaillé. Dizzy accordait une grande importance au rythme. Vous pouvez faire vos devoirs, comprendre vos notes, mais si le rythme n’est pas bon… rien ne se passe”.
Turre est considéré comme l’un des maîtres du trombone. Le son à la fois puissant, fluide et expressif qu’il tire de son instrument est nourri des traditions classiques de Lawrence Brown et Vic Dickenson et inspiré par les géants tels que J.J. Johnson et Curtis Fulle. La poursuite de la transcendance a toujours été au cœur de la musique de Turre. Et si sa force singulière inspire aujourd’hui une nouvelle génération de musiciens, c’est qu’elle puise à la source des traditions ancestrales. « Bien que je sois inspiré par l’énergie, l’enthousiasme et les nouvelles perspectives des jeunes musiciens, j’ai acquis les connaissances les plus profondes des générations qui m’ont précédé. Je crois fermement que leur sagesse, et la compréhension intuitive de nos racines à la fois nous ancrent et vous poussent vers l’avant. Je tiens ça de Rahsaan.”